Sunday, January 30, 2005

UE vs Cuba

Vàclav Havel: L’indécent hommage à Fidel Castro
Le Figaro, 28/01/2005.

Je me souviens très bien des situations difficiles, quelque peu grotesques, risquées et affligeantes dans lesquelles les diplomates occidentaux se trouvaient pendant la Guerre froide, à Prague. Ils devaient régulièrement résoudre le délicat problème de savoir s’ils devaient ou non inviter aux soirées données dans leurs ambassades les signataires de la Charte 77, les militants des droits de l’homme, les critiques du régime communiste, les hommes politiques réfugiés, ou même bannir les écrivains, les universitaires et les journalistes : tout un peuple avec lequel les diplomates sont généralement très accueillants.

Parfois, nous, les dissidents, n’étions pas invités mais nous recevions des excuses ; d’autres fois, nous étions conviés mais nous n’acceptions pas l’invitation pour ne pas compliquer la situation de nos courageux amis, les diplomates. Ou encore, nous étions invités bien avant l’heure dans l’espoir que nous serions déjà partis avant l’arrivée des représentants officiels, ce qui parfois se passait et d’autres fois non.

Quand cela ne se produisait pas, il arrivait que les représentants officiels partent en signe de protestation face à notre présence, ou alors nous partions précipitamment ou prétendions tous ne pas avoir remarqué les autres, ou, en de rares occasions, nous entamions des conversations les uns avec les autres, ce qui souvent représentait les seuls moments de dialogue entre le régime et son opposition (si l’on excepte nos rencontres devant les tribunaux). Tout cela se passait à l’époque où l’Europe et le monde étaient divisés par le Rideau de fer. Les diplomates occidentaux devaient prendre en compte les intérêts économiques de leurs pays mais, contrairement aux Soviétiques, ils avaient une considération sérieuse pour la philosophie «dissidence ou commerce».

Je ne me souviens pas d’avoir assisté, à cette époque, à la publication d’appels publics, de recommandations ou de décrets où l’Occident, voire ses institutions (Otan, la Communauté européenne, etc.), déclaraient qu’un groupe particulier de personnes à la pensée très autonome, quelle que soit la manière dont on définit cela, devait ne pas être invité aux soirées, célébrations ou réceptions diplomatiques.

Pourtant, c’est bien ce à quoi nous assistons aujourd’hui. Une des institutions démocratiques des plus puissantes et des plus fortes au monde, l’Union européenne, n’a aucun scrupule à faire une promesse publique à la dictature cubaine pour instituer de nouveau un apartheid diplomatique. Les ambassades européennes de La Havane vont maintenant préparer leurs listes d’invités selon les souhaits du gouvernement cubain. La vision politique étriquée du premier ministre espagnol, le socialiste José Zapatero, l’a emporté (1).

Imaginons un instant ce qui va se passer : dans chaque ambassade européenne, quelqu’un sera chargé d’examiner la liste des invités, nom par nom, pour déterminer si la personne en question peut, et dans quelle mesure, se comporter librement et parler en public, si elle se montre critique à l’égard du régime ou même, encore, si elle a fait l’objet d’un emprisonnement politique. Les listes vont être réduites et des noms supprimés. Cela finit fréquemment par l’élimination d’amis personnels des diplomates chargés de filtrer les personnes avec qui ils ont coopéré sous diverses formes : intellectuelles, politiques ou matérielles. Et cela sera du pire effet quand les ambassades essaieront de masquer leur tri en invitant uniquement des diplomates aux réceptions de leurs ambassades à Cuba.

Je ne peux trouver aucun meilleur moyen pour l’Union européenne de salir le noble idéal de liberté, d’égalité et de respect des droits de l’homme qu’elle défend : les principes mêmes qu’elle réitère dans son traité constitutionnel. Pour protéger les profits des entreprises européennes dans l’île, les pays de l’Union représentés à La Havane (2) cesseront d’inviter des gens avec une certaine ouverture d’esprit dans leurs ambassades en biffant leurs noms sur un froncement de sourcil du dictateur et de ses complices. Il est difficile d’imaginer une pratique plus honteuse.

Les dissidents cubains se passeront allégrement, bien sûr, des cocktails occidentaux et des conversations polies tenues dans ces réceptions. Ces persécutions aggraveront certainement leur difficile combat, mais ils y survivront, assurément. Reste à savoir si l’Union européenne, elle, y survivra. Elle danse, aujourd’hui, au son de la musique de Fidel. Cela veut dire que, demain, elle pourrait très bien répondre à des appels d’offre pour construire des bases de missiles sur les côtes de la République populaire de Chine. Le jour suivant, elle pourrait se faire dicter ses décisions sur la Tchétchénie par les conseillers de Vladimir Poutine. Puis, pour des raisons inconnues, elle pourrait décider de conditionner son aide à l’Afrique aux liens fraternels avec les pires dictateurs africains.

Où cela s’arrêtera-t-il ? À la libération de Milosevic ? Au refus de visa pour le militant des droits de l’homme russe Sergey Kovalyov ? Aux excuses présentées à Saddam Hussein ? À l’ouverture de pourparlers de paix avec al-Qaida ? Il est suicidaire pour l’Europe de mettre en avant l’un de ses pires travers politiques qui consiste à dire que, pour parvenir à une certaine paix, le meilleur moyen est de rester indifférent à la liberté des autres. La vérité est à l’opposé : de telles politiques pavent le chemin de la guerre. Après tout, l’Europe s’unit pour défendre sa liberté et ses valeurs, pas pour les sacrifier à l’idéal de la coexistence harmonieuse avec des dictateurs et ainsi risquer l’infiltration progressive de son âme par un état d’esprit antidémocratique.

Je suis fermement convaincu que les nouveaux membres de l’UE n’oublieront pas leur expérience du totalitarisme et de l’opposition non violente au mal, et que cette expérience se reflétera dans la manière dont ils se comporteront au sein des institutions européennes. Cela pourrait très bien être, en effet, la meilleure contribution qu’ils puissent apporter aux fondements communs spirituels, moraux et politiques d’une Europe unie.


Vàclav Havel: Ancien président de la République tchèque.
Copyright : Project Syndicate, janvier 2005.
Traduit de l’anglais par Catherine Merlen.
(1) Les chefs de la diplomatie de l’UE devraient prendre position officiellement le 31 janvier (NDLR du Figaro).
(2) Allemagne, France, Grande-Bretagne, Espagne, Italie, Portugal, Pays-Bas, Belgique, Suède, Autriche, Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie, et Grèce.

El gran bloc antiamericà

Charles Krauthammer: Tomorrow’s Threat
Washington Post, 21/01/2005.

Where are we? At this midpoint of the Bush administration, engaged as we are in conflict throughout the world, are we winning?

The great democratic crusade undertaken by this administration is going far better than most observers will admit. That’s the good news. The bad news is a development more troubling than most observers recognize: signs of the emergence, for the first time since the fall of the Soviet empire, of an anti-American bloc anchored by Great Powers.

First, the good news. The great project of the Bush administration — the strengthening and spread of democracy — is enjoying considerable success. Most recently we witnessed the triumph of the “orange revolution” in Ukraine, which followed the “rose revolution” in Georgia, bringing historic breaks from authoritarianism in two key former Soviet republics. Less publicized were elections in two critical Muslim states — Indonesia and Malaysia — in which Islamic parties were decisively defeated.

Elsewhere in the Islamic world, we saw (though many played down) the Afghan miracle: free and successful elections on perhaps the world’s least hospitable soil for democracy. That was followed by Palestinian elections and the beginning of political reform. Even more encouraging was a public statement issued just weeks earlier by more than 500 Palestinian intellectuals demanding democracy, the rule of law, transparency and an end to Arafat-style dictatorial rule.

And now, elections in Iraq, which are obviously problematic but also very promising. Not only will they establish a precedent for free elections and constitutionalism, but they will also effectively transfer power to the heretofore disenfranchised majority of Iraqis — Shiites and Kurds — who will then have a real stake in helping the United States defend the new Iraqi order against the Baathist insurgency.

Moreover, the election process and the vicious terrorism unleashed against every element of it have exposed the insurgency as not the nationalist resistance that sympathizers in the West pretend it to be but as the desperate opposition by dead-enders to both Iraqi democracy and majority rule.

Now for the bad news. I am not talking here about the obvious, the continued survival of al Qaeda, though it has clearly been diminished over the past 3 1/2 years.

I’m talking about the other, more subtle challenge to Pax Americana: the first stirrings of what might become an anti-American coalition involving at least two Great Powers. The most remarkable fact about the post-Cold War era is that for the first decade and a half no such opposition emerged. Historically that is almost unheard of. Hegemonic powers, such as Napoleonic France and imperial and Nazi Germany, tend almost inevitably to spur the creation of a coalition of Great Powers to oppose and contain them.

That may be beginning again. The quiescence with which Russia accepted the Soviet collapse may have run its course. Russia’s helplessness at the loss of Ukraine followed a long string of humiliating losses: first the external Third World empire, then the outer Eastern European empire, then the inner empire of 14 Soviet republics.

Add to this NATO’s attack on Serbia, Russia’s traditional Balkan ally, and the expansion of NATO into the Baltic states. Vladimir Putin’s Russia, already moving decisively back to traditional czarist authoritarianism, then suffered political defeat in Ukraine, which it considered its natural patrimony. This only compounds and embitters the feeling of alienation from the West in general and from the United States in particular.

It is no accident that Russia has begun hinting at making common cause with China. This is potentially ominous because of China’s rising power and its status as the leading have-not nation on the planet, the Germany of the 21st century. In December, during the week of the rerun Ukrainian election that finally brought the pro-Western Viktor Yushchenko to power, Russia made two significant moves toward China. First was the announcement of intensified economic cooperation in developing Russia’s vast energy resources. More ominous was the Russian defense minister’s Dec. 27 announcement of, “for the first time in history,” large joint military exercises on Chinese territory.

China in turn is developing relationships with such virulently anti-American rogue states as Iran. Add such various self-styled, anti-imperialist flotsam as Syria, North Korea, Cuba and Hugo Chavez’s Venezuela, and you have the beginnings of a significant “anti-hegemonic” bloc — aimed at us.

This is not a new Cold War. The United States will still remain the vastly predominant world power. But it is a challenge that history has waiting for us on the day the war on terrorism is won, and perhaps even before. There is no rest for the weary.

Sauvons les coptes, sauvons l’Egypte !

L’actualité en Egypte de ces derniers mois suscite de nombreuses interrogations cruciales pour l’avenir de la communauté copte.

L’Egypte pose un problème, qui ne lui est pas propre, pour les Droits de l’Homme, surtout en ce qui concerne le respect des minorités.

— Les persécutions incessantes exercées par des extrémistes musulmans, avec la collaboration de certaines autorités locales, à l’encontre des Chrétiens coptes pacifiques et sans défense, doivent cesser.

— L’inscription de la religion sur la carte nationale d’identité, doit être abrogée.

— Les crimes forçant par la terreur ou par la violence des jeunes filles mineures à se convertir, doivent s’arrêter.

— Les incendies et pillages des églises comme des biens personnels qui échappent à tout contrôle et principalement en Haute Egypte, doivent être réprimés.

Le 08 décembre 2004, des milliers de jeunes Coptes ont manifesté leur désapprobation dans la Cathédrale Saint Marc au Caire et aux alentours, ainsi que dans plusieurs provinces. Plusieurs manifestants ont fait l’objet de brutalités policières et d’arrestations.

La diaspora copte dénonce de telles pratiques et veut sensibiliser l’opinion publique internationale sur ces agissements incompatibles avec les droits de l’homme que l’Egypte a ratifiés.

Une manifestation des amis des Droits de l’Homme et des minorités aura lieu le
Dimanche 23 janvier 2005 à 15 heure 30.
Parvis des Droits de l’Homme
Place du Trocadéro à Paris (métro Trocadéro).

Chaque personne déposera une bougie rouge en signe de solidarité avec les Coptes victimes de discriminations et persécutions en Egypte et en mémoire des Coptes assassinés.

Avec le soutien des associations suivantes :
  • ACKA (Association des Chrétiens originaires de Kabylie et leurs Amis)
  • CSI (Christian Solidarity International)
  • TAMAZGHA (Organisation internationale de défense des intérêts des Imazighen (Berbères)

Organisée par :
ASSOCIATION DES COPTES D’EUROPE
15 Avenue du Bel Air
75012 PARIS
copteseuro@wanadoo.fr

Friday, January 21, 2005

“Estados Unidos no ignorará la opresión”

Vicepresidente Cheney, presidente del Tribunal Supremo, presidente Carter, presidente Bush, presidente Clinton, miembros del Congreso de Estados Unidos, reverendo clero presente, huéspedes distinguidos, conciudadanos. En este día fijado por la ley y marcado por el ceremonial celebramos la sabiduría perdurable de nuestra Constitución y recordamos los profundos compromisos que galvanizan y cohesionan nuestro país. Me siento profundamente agradecido por el honor de este momento, consciente plenamente de los importantes tiempos que vivimos, y determinado a cumplir el juramento que he prestado y ustedes han atestiguado.

En este segundo encuentro que hoy celebramos, nuestros deberes quedan especificados no por las palabras que utilizo sino por la historia que juntos hemos presenciado. A lo largo de medio siglo, Estados Unidos defendió nuestra propia libertad con mirada vigilante sobre distantes fronteras. Tras el naufragio del comunismo vinieron años de relativa tranquilidad, años de reposo, años de tiempo sabático. Y sobrevino luego un día de fuego.

Hemos sido testigos de nuestra vulnerabilidad, y hemos tomado nota de su origen más profundo. Porque, mientras regiones enteras del mundo se suman en el rencor y la tiranía, presa de ideologías que alimentan el odio y disculpan el asesinato, la violencia crecerá y se multiplicará con su poder destructor y atravesará las fronteras más defendidas representando una amenaza letal. Sólo existe una única fuerza de la historia susceptible de romper el reino del odio y el rencor, de denunciar a plena luz las aspiraciones de los tiranos y de satisfacer las esperanzas de la gente digna y tolerante, y se trata de la fuerza de la libertad humana.

Tanto los acontecimientos como el sentido común nos conducen a la misma conclusión: la supervivencia de la libertad sobre nuestro suelo depende cada vez más del triunfo de la libertad en otras tierras. La mayor esperanza de paz en nuestro mundo estriba en la difusión de la libertad en todo el mundo.

Los intereses vitales de Estados Unidos y nuestras más hondas creencias son ahora una sola cosa. Desde el mismo día de nuestra fundación como país hemos proclamado que cada hombre y mujer en esta tierra tiene derechos y dignidad así como valor inestimable, pues llevan la huella del hacedor del cielo y de la tierra. A través de las generaciones hemos proclamado el imperativo del autogobierno, porque nadie puede arrogarse la condición de dueño y nadie merece ser un esclavo.

Promover estos ideales es la misión que se halla en el origen del nacimiento de nuestra nación. Es el honroso logro de nuestros padres. Hoy es la exigencia apremiante que viene dada por la seguridad de nuestro país y por las propias exigencias de nuestra era. Y la misma senda sigue la política de Estados Unidos en el fomento y respaldo a más movimientos e iniciativas democráticas que puedan suscitarse en el seno de todos los países y culturas, con el objetivo esencial y básico de acabar con la tiranía en nuestro mundo. No se trata sobre todo de una tarea basada en la fuerza de las armas, aun cuando nos defenderemos y defenderemos a nuestros amigos con esa fuerza en caso necesario. La libertad debe ser preferida y defendida por su valor intrínseco por la ciudadanía, y sustentarse sobre el derecho y la protección de las minorías. Y cuando el alma de una nación habla, las instituciones que surgen en su suelo pueden perfectamente dar cuenta de hábitos y tradiciones muy distintas de las nuestras.

Estados Unidos no impondrá nuestro propio estilo de gobierno sobre los remisos a aceptarlo. Nuestra meta, por el contrario, es ayudar a otros a encontrar su propia voz, a alcanzar su propia libertad y a seguir su propia senda.

El gran objetivo de acabar con la tiranía es posible gracias al trabajo unánime de generaciones. La dificultad de la tarea no es excusa para eludirla. La influencia de Estados Unidos no es ilimitada pero, afortunadamente para los oprimidos, es considerable y la utilizaremos serena y confiadamente en aras de la libertad.

Mi deber más hondo y fundamental es proteger a esta nación y a su ciudadanía contra más ataques y amenazas nacientes. Algunos, imprudentemente, han optado por poner a prueba la determinación de Estados Unidos: han encontrado una postura de firmeza. Expondremos claramente la decisión adoptada en cada caso ante cada gobernante y cada nación, así como la elección entre la opresión —que siempre yerra— y la libertad, que siempre —e indefectiblemente— acierta.

Estados Unidos no simulará en ningún momento que los disidentes encarcelados prefieren sus cadenas, o que las mujeres saludan la humillación y la servidumbre, o que un ser humano aspira a vivir a merced de sus acosadores o perseguidores. Alentaremos las reformas de otros gobiernos subrayando sin ambages que el éxito en nuestras relaciones implica el trato digno de nuestros propios ciudadanos.

La fe de Estados Unidos en la dignidad humana guiará nuestras políticas. El ejercicio de los derechos debe sobrepasar las concesiones a regañadientes de los dictadores; derechos garantizados por la libre discrepancia y la participación de los gobernados. A largo plazo, no hay justicia sin libertad, y no puede haber derechos humanos sin libertad del ser humano.

Ciertas personas que conozco han cuestionado el llamamiento global a la libertad aun cuando esta época histórica —cuatro decenios caracterizados por el mayor avance hacia la libertad visto jamás— presenta ciertamente singulares incertidumbres. Pero los estadounidenses nunca han de extrañarse de la fuerza de nuestros ideales.

En definitiva, el llamamiento a la libertad es bien presente en todas las mentes y espíritus. No aceptamos la existencia de una tiranía permanente porque no aceptamos la posibilidad de una esclavitud permanente. La libertad visitará a quienes la aman.

Hoy Estados Unidos habla renovadamente a todos los pueblos del mundo. Todos aquellos que vivís en la tiranía y la desesperación habéis de saber que Estados Unidos no pasará por alto vuestra situación de opresión ni disculpará a vuestros opresores. Cuando lucháis por vuestra libertad, luchamos a vuestro lado.

Reformadores demócratas que os enfrentáis a la opresión, la cárcel o el exilio, habéis de saber que Estados Unidos os contempla como lo que sois, los futuros dirigentes de vuestro país libre. Los gobernantes de países fuera de la ley han de saber que, como creyó Abraham Lincoln, quienes niegan la libertad de los demás no la merecen para sí mismos, y que según la ley de un Dios justo no se puede retener la libertad.

Líderes de gobiernos con dilatada costumbre de controlar a los ciudadanos: habéis de aprender a servir a vuestros ciudadanos, a confiar en ellos. Iniciad esta senda de progreso y justicia, y Estados Unidos os acompañará en vuestro camino.

Y todos los aliados de Estados Unidos han de saber que nos honramos con su amistad, que confiamos en sus consejos y que nos apoyamos en su ayuda y concurso. Las divisiones entre naciones libres constituyen un objetivo esencial de los enemigos de la libertad. El esfuerzo concertado de las naciones libres para promover la democracia es un preludio de la derrota de nuestros enemigos.

Hoy hablo asimismo de nuevo a mis conciudadanos. A todos os he pedido paciencia en la ardua tarea de garantizar la seguridad de Estados Unidos, y me la habéis concedido con gran generosidad. Nuestro país ha asumido obligaciones de difícil cumplimiento cuyo cumplimiento no sería honroso defraudar. Pero, gracias a la dilatada trayectoria de nuestra nación de lucha por la libertad, decenas de millones de ciudadanos han alcanzado su libertad. Y, como la esperanza llama a la esperanza, más millones de personas la alcanzarán. Gracias a nuestro esfuerzo hemos encendido también una llama, una llama en los espíritus humanos que conforta a quienes sienten su poder y que quema a quienes se oponen a su avance. Y un día esta insobornable llama de la libertad llegará hasta los últimos confines de nuestro mundo.

Una pequeña fracción de estadounidenses han asumido la carga más pesada en esta causa, en la serena labor de los servicios de inteligencia y la diplomacia, en la labor idealista de ayudar a promover gobiernos libres y en la peligrosa y necesaria tarea de luchar contra nuestros enemigos.

Algunos han demostrado su devoción a nuestro país con su vida. Su muerte honra su vida y siempre honraremos sus nombres y sacrificio.

Todos los estadounidenses han comprobado este idealismo, algunos por primera vez. Pido a nuestros ciudadanos más jóvenes que crean en la evidencia que nos aportan nuestros propios ojos: habéis visto el sentido del deber y la lealtad en los rostros resueltos de nuestros soldados. Habéis constatado que la vida es frágil, que el mal es real y que la valentía triunfa. Elegid servir a una causa justa más que a vuestros deseos, a una causa mayor que vosotros mismos, y a lo largo de vuestros días incrementaréis no sólo la riqueza de vuestro país, sino también su carácter.

EE.UU. necesita idealismo y valentía porque tenemos mucho trabajo que hacer.

En un mundo que avanza hacia la libertad, estamos decididos a demostrar el significado y la promesa de la libertad.

De acuerdo con la idea de la libertad de Estados Unidos, los ciudadanos gozan de la dignidad y la seguridad de la independencia económica en vez de trabajar al filo de la subsistencia. Ésta es la definición más amplia de la libertad que motivó la Homestead Act, la ley de la Seguridad Social, y el G.I. Bill of Rights. Y ahora ampliaremos esta visión reformando las grandes instituciones para responder a las necesidades de nuestro tiempo.

Para dar a cada norteamericano una oportunidad en la promesa y en el futuro de nuestro país, proporcionaremos los más altos niveles a nuestras escuelas y construiremos una sólida sociedad. Ampliaremos la propiedad de hogares y de negocios, los ahorros del retiro y el seguro médico, preparando a nuestros ciudadanos para los desafíos de la vida en una sociedad libre.

Haciendo de cada ciudadano un agente de su propio destino, ofreceremos a nuestros conciudadanos norteamericanos una mayor libertad al abrigo de la arbitrariedad y el temor, y haremos nuestra sociedad más próspera, justa y equitativa.

Según la idea de la libertad de Estados Unidos, el interés público depende del carácter privado, de la integridad y la tolerancia hacia los demás y la regla de la conciencia en nuestra propia vida. El autogobierno, en definitiva, consiste en el gobierno de uno mismo. Tal edificio del carácter y el ser propio se apoya sobre las familias, las comunidades y se ve sustentado en nuestra vida nacional por las verdades del Sinaí, del sermón de la Montaña, de las palabras del Corán y de la variedad de creencias de nuestros ciudadanos.

Los estadounidenses se mueven hacia delante en cada generación reafirmando todo lo bueno y verdadero que ha sido heredado, basado en ideales de justicia y de conducta que son iguales ayer, hoy y siempre. En Estados Unidos, ideal de la libertad, el ejercicio de los derechos ennoblece por el servicio, la misericordia y la cordialidad hacia el débil. La libertad para todos no significa la independencia de uno a otro.

Nuestra nación confía en los hombres y las mujeres que se ocupan de un vecino y acogen a la persona abandonada con amor. Los norteamericanos, en lo mejor que tenemos, valoran la vida que vemos en otra persona, y deben recordar siempre que incluso los indeseables tienen valor. Y nuestro país debe abandonar todos los hábitos del racismo porque no podemos llevar el mensaje de la libertad y el bagaje del fanatismo al mismo tiempo.

Desde la perspectiva de un solo día, incluyendo este día de dedicación, los problemas y las preguntas sobre nuestro país son muchas. Desde el punto de vista de siglos, las preguntas que nos vienen son limitadas y pocas. ¿Nuestra generación avanzó hacia la causa de la libertad, y nuestro carácter aportó crédito a esa causa?

Estas preguntas que nos juzgan también nos unen porque los norteamericanos de cada partido, los norteamericanos, por elección y por nacimiento, están destinados los unos y los otros a la causa de la libertad.

Hemos sabido de divisiones, que se deben curar para seguir adelante en grandes propósitos. Y me esforzaré en la buena fe para curarlos. Todas esas divisiones no definen Estados Unidos. Sentíamos la unidad y la fraterniad de nuestra nación cuando la libertad cayó bajo el ataque y nuestra respuesta vino como una sola mano sobre un solo corazón. Podemos sentir la misma unidad y orgullo cuando los Estados Unidos actúan para hacer el bien y dar a las víctimas del desastre la esperanza, de lo injusto encontrar la justicia, y conseguir que los cautivos sean libres.

Vamos hacia delante con confianza completa en el eventual triunfo de la libertad. No porque la historia funcione en las ruedas de la inevitabilidad; son las opciones humanas las que mueven acontecimientos. No porque nos consideremos una nación elegida; Dios se mueve y elige como Él quiere. Tenemos confianza porque la libertad es la esperanza permanente de la humanidad, y la ansiedad del alma.

Cuando nuestros fundadores declararon una nueva orden de las edades, cuando los soldados murieron para una unión basada en la libertad, cuando los ciudadanos desfilaron pacíficamente bajo la bandera “Libertad Ahora”, actuaban con una esperanza antigua que significó cumplir con el deber.

La historia tiene un flujo y reflujo de la justicia, pero la historia también tiene una dirección visible fijada por la libertad y el Autor de la Libertad.

Cuando la Declaración de Independencia fue leída en público y la Campana de la Libertad sonó en la celebración, un testimonio dijo que sonó como si significara algo especial. En nuestro tiempo, todavía significa algo. Estados Unidos, en este joven siglo, proclama libertad a través de todo el mundo y a todos sus habitantes. Renovados en nuestra fuerza, puesta a prueba pero no agotada, estamos listos para los logros más grandes de la historia de la libertad. Dios os bendiga, y vele por los Estados Unidos de América.

Wednesday, January 19, 2005

Huntington: le choc du multiculturalisme

Auteur du Choc des civilisations, Samuel Huntington persiste et signe dans sa critique de l’optimisme «multiculturaliste», avec un essai brillant et controversé sur l’identité américaine, Qui sommes-nous?, qui vient de paraître en traduction française aux éditions Odile Jacob (1). Explications.

Le Figaro, 19/01/2005.
Propos recueillis par Alexis Lacroix


LE FIGARO.— A la lumière de votre dernier livre, l’identité américaine apparaît presque menacée d’implosion. N’est-ce pas trop alarmiste ?
Samuel P. HUNTINGTON.— Je voudrais dire d’abord que l’Amérique est confrontée à des défis singuliers pour l’avenir de son identité. Mais l’Amérique n’est pas le seul pays dans ce cas. De nombreux pays sont confrontés à des défis qui, pour n’être pas identiques à ceux qui frappent les Etats-Unis, s’en rapprochent. La mondialisation bouleverse beaucoup de choses et intensifie les processus d’interaction entre les différentes sociétés. Elle crée donc des situations parallèles dans les différents pays occidentaux qui traversent des crises de leurs identités nationales.

— Un éditorialiste du Washington Post, Tamar Jacoby, vous reproche de vous livrer à une «évaluation paranoïaque de la menace» en évoquant «une reconquista démographique de territoires que les Américains avaient enlevés au Mexique». Que répondez-vous ?
— C’est justement la raison pour laquelle je tiens à souligner que Who are we ? n’est pas un livre sur les Hispaniques et les hispanophones en général. C’est un livre sur cette identité américaine que l’immigration n’a jamais cessé de façonner. Actuellement, aux Etats-Unis, plus de la moitié des immigrants viennent de pays hispanophones. Or c’est la première fois dans l’histoire de notre pays que la moitié des nouveaux arrivants sont les locuteurs d’une seule langue qui n’est pas l’anglais. L’autre singularité de l’immigration hispanique, outre son ampleur, c’est qu’elle est en provenance de pays proches des Etats-Unis — le Mexique et les autres pays de l’Amérique centrale.

— Les Hispano-Américains ont un taux très élevé d’exogamie et, dans la mobilisation antiterroriste depuis 2001, leur patriotisme américain a rarement été pris en défaut...
— Reste que, pris dans sa globalité, ce phénomène d’immigration constitue un changement immense par rapport à l’époque pas si lointaine où une large majorité des immigrants se livrait à une traversée hasardeuse de l’océan Atlantique. Les Etats-Unis connaissent enfin une immigration clandestine toujours aussi massive, de part et d’autre du Rio Grande.

— N’est-ce pas un combat d’arrière-garde ?
— Pas du tout ! Je ne mène en aucun cas un combat d’arrière-garde ! La question qu’il faut se poser face à l’ensemble des phénomènes inédits que constitue l’afflux de ces populations est celle de l’aptitude de cette vague d’immigration à s’assimiler aussi facilement que les précédentes aux valeurs de la société américaine.

— Mais si les Etats-Unis traversent une crise d’identité, ce n’est pas seulement en raison des personnes accueillies, mais aussi des «accueillants»...
— L’immigration est l’un des aspects de mon livre. Un autre aspect est le fossé grandissant entre, d’un côté, le nationalisme et le patriotisme répandus dans l’opinion américaine et, de l’autre, ce que j’appelle la dénationalisation des élites.

— Les Américains, dans leur grande majorité, condamnent-ils le cosmopolitisme de leurs élites ?
— Le degré d’identification des Américains avec leur pays semble avoir connu une nette augmentation à la fin du XX siècle. Interrogés sur l’entité territoriale à laquelle ils estimaient appartenir «avant tout» — ville, région, pays dans son ensemble, continent ou monde —, 16,4% d’Américains en 1981-1982, 29,6% en 1990-1991 et 39,3% en 2002 ont choisi les Etats-unis dans leur ensemble. Le nombre d’Américains accordant la première place à leur nation a donc augmenté de 22,9%, pourcentage qui dépasse largement l’augmentation du sentiment d’identification nationale enregistrée dans les pays développés. Paradoxe : alors même que l’engagement national du grand public américain se renforçait, certains éléments des élites économiques et universitaires américaines s’identifiaient de plus en plus au monde dans son ensemble et se définissaient comme «citoyens globaux». En 1927, un intellectuel français (2) avait pu accuser ses pairs de succomber aux passions partisanes du nationalisme. Aujourd’hui, l’attitude des intellectuels consiste à défendre la supériorité d’une identification avec l’ensemble de l’humanité.

— Le traumatisme causé par le 11 Septembre n’y a-t-il pas mis un coup d’arrêt ?
— Sur le moment, la catastrophe qui a frappé Manhattan a eu un impact certain. Mais l’intégration des élites financières et médiatiques américaines aux catégories de la mondialisation ne semble pas avoir été bouleversée de fond en comble. Il demeure difficile de prévoir ce que seront les effets à très long terme du 11 Septembre sur la conscience patriotique américaine.

— Le néoconservatisme est un patriotisme...
— Les néoconservateurs constituent une élite certes opposée à la tendance lourde de la dénationalisation — mais c’est un très petit groupe d’hommes, qui essuient de très nombreuses critiques de la part aussi bien des milieux académiques, que des milieux d’affaires et des médias ! De ce point de vue, les néoconservateurs ne sont pas du tout représentatifs des élites américaines. Et ils ne sont pas davantage au diapason des opinions du public américain.

— Pourquoi ?
— Tous les sondages effectués depuis plusieurs années auprès des Américains le révèlent : dans son immense majorité, la promotion de la démocratie ne représente pas du tout une priorité pour notre peuple ; elle arrive même en avant-dernière position. Ce qui arrive en revanche toujours en tête, c’est l’importance d’une politique d’emploi, d’immigration et de sécurité nationale.

— Un essayiste a défini le credo américain comme l’adhésion à un système politique fondé sur la «dignité essentielle de l’individu, l’égalité fondamentale de tous les hommes et des droits inaliénables» comme le droit à la liberté et à la justice. Cette «religion civile» garantit-elle la cohésion de la société américaine ?
— Je suis fondamentalement en accord avec la définition donnée par Gunnar Myrdal, en 1944, du credo américain. Mais toute la question est de savoir si la nouvelle vague d’immigration est prête à accepter les principes de base énumérés par Gunnar Myrdal. C’est un vrai privilège de s’intégrer aux valeurs américaines. D’embrasser la culture américaine. Des éléments semblent suggérer qu’il n’est pas sûr que les immigrants récents soient tous encouragés à adopter l’échelle de valeurs et la culture américaines.

— La faute aux intellectuels, que vous appelez «cosmocrates», et à leur «déconstruction» de l’identité américaine ?
— Dans les années 60, les Etats-Unis ont abandonné la référence à la race et à l’ethnie comme critère de définition de l’identité nationale. Mais paradoxalement, ils ont été accusés de sous-estimer le rôle de la race et de l’appartenance ethnique pour certains groupes. Une fois la race et l’appartenance ethnique formellement exorcisées, les minorités ont pu commencer à affirmer leurs identités au sein d’une société désormais essentiellement définie par son credo. Ne servant plus aux Américains à se différencier d’autres peuples, la race, l’appartenance et même, dans une certaine mesure, la culture, sont devenues les critères par lesquels les Américains se différenciaient les uns des autres. Sont nées les politiques dites d’affirmative action. Elles ont eu pour effet, avec d’autres politiques, d’élever les valeurs «subnationales» au-dessus des valeurs d’identité nationale. Pour les Américains, le credo de la «religion civile» a longtemps signifié que les individus devaient être jugés en fonction de leurs qualités propres, indépendamment de leur appartenance religieuse ou de leur origine ethnique. Avec l’avènement du multiculturalisme, c’en a été fini du primat des droits individuels.

— Vous citez le sociologue Daniel Bell : «Ce qui est extraordinaire dans ce changement, c’est qu’une conception des droits totalement nouvelle a été introduite dans la vie publique, sans qu’aucun débat n’ait lieu.»
— Les droits des groupes et l’égalité des conditions ont acquis dans la sphère publique le statut d’une nouvelle philosophie qui, en établissant des distinctions entre les individus selon leur appartenance, en vient à relativiser dangereusement l’importance d’un bien commun. Par exemple, les Noirs ont pu commencer à bénéficier d’avantages du simple fait qu’ils étaient noirs. Ces politiques de rattrapage, qui partaient des meilleures intentions, ont abouti à remettre en question la façon dont les Américains concevaient leur identité nationale. Elles ont participé au mouvement de sa déconstruction. La question demeure de savoir si les Etats-Unis doivent être une nation constituée d’individus dotés de droits et d’une culture communs ou un conglomérat de groupes raciaux et culturels défendant leurs intérêts propres.

— Pourquoi le multiculturalisme tente-t-il les Français, notamment les champions de la discrimination positive ?
— Je ne sais pas pour quelles raisons précises la tendance au multiculturalisme s’est développée en France. Une chose est sûre : la consécration du multiculturalisme pourrait avoir, chez vous aussi, des effets malheureux. Aux Etats-Unis, ces politiques ont eu pour effet de diviser la société américaine et, en ce qui concerne notamment le volet des mesures d’affirmative action, n’ont pas du tout obtenu les bienfaits escomptés — le «rattrapage» social des populations défavorisées. En fait, les politiques d’affirmative action n’ont pas bénéficié, par exemple, aux plus pauvres des Noirs américains, mais à la bourgeoisie noire américaine.


(1) Qui sommes-nous? (Who are We? The Challenges to America’s National Identity), 25 €, 400 p.

(2) La Trahison des clercs de Julien Benda (Grasset).

Thursday, January 13, 2005

Faccions palestines

Mahmoud Abbas devra reprendre le contrôle face aux grands féodaux qui dirigent la dizaine de services de sécurité

Un jeu compliqué entre les diverses factions armées de Gaza

Le Figaro, 11/01/2005.
Gaza : de notre envoyé spécial Adrien Jaulmes

La petite troupe défile au son des cornemuses. Marquant le pas à l’anglaise, le béret martial, les hommes de la Force 17 s’alignent devant le perron de la Mountada, le palais présidentiel palestinien de Gaza. Au lendemain de l’élection de Mahmoud Abbas à la succession de Yasser Arafat, les forces armées palestiniennes se préparent à la visite du nouveau raïs, prévue pour les jours à venir. Juste à côté des murs blancs de la Mountada se dressent au-dessus de la plage de Gaza les ruines de l’ancienne résidence de Yasser Arafat, qui n’ont pas été relevées depuis l’attaque des hélicoptères israéliens en 2002.

Malgré l’allure pimpante des soldats de la Force 17, le pouvoir réel de l’Autorité palestinienne est lui aussi en ruines dans la bande de Gaza. L’une des tâches les plus urgentes pour le successeur de Yasser Arafat est de reprendre le contrôle de ce vaste ghetto à ciel ouvert où s’entassent derrière les clôtures israéliennes plus d’un million et demi de Palestiniens, et où des milliers d’hommes en armes menacent à tout moment de faire capoter les minces espoirs incarnés par le nouveau président. Après huit ans de gabegie de l’Autorité palestinienne, au cours desquels ont proliféré entre 1993 et 2000 plus d’une dizaine de services de sécurité rivaux, et quatre années d’Intifada qui ont vu renaître et croître les branches islamistes de l’insurrection, le foisonnement des groupes armés, clandestins ou non, donne le vertige.

S’il veut gagner son pari de prendre les Israéliens au mot et d’obtenir d’eux des concessions en échange de la fin des opérations armées, Mahmoud Abbas doit impérativement obtenir un cessez-le-feu en pactisant avec les activistes organisés et en désarmant la rue palestinienne. Parmi les groupes organisés figurent les puissants mouvements islamiques du Hamas et du Djihad islamique, qui ont boycotté le scrutin présidentiel et continué tout au long de la campagne électorale à harceler les Israéliens de leurs roquettes Qassam et de leurs mortiers, provoquant des représailles sanglantes.

Faisant savoir qu’ils étaient prêts à négocier avec le nouveau président, les islamistes admettent sans le dire être disposés à une «trêve», au prix de contreparties telles que la fin des incursions israéliennes et des assassinats ciblés. Mais ces mouvements entendent avant tout rentrer dans le jeu politique palestinien sans se contenter d’un simple strapontin. Et pour bien signifier son intention de ne pas reconnaître un accord à l’élaboration duquel elle ne serait pas associée, la branche armée du Hamas a dès hier après-midi tiré une nouvelle roquette contre une colonie israélienne à Gaza.

Parallèlement à cette pression des islamistes, Mahmoud Abbas fait aussi face à une crise profonde au sein du Fatah. A l’inverse des mouvements islamiques, bien disciplinés, le parti de Yasser Arafat est aujourd’hui déchiré par des factions rivales alors que l’anarchie règne au sein de l’Autorité palestinienne à Gaza. Les multiples services de sécurité et les forces armées créés après les accords d’Oslo sont à la fois divisés entre partisans de Mahmoud Abbas et ses adversaires, autoproclamés héritiers de Yasser Arafat, et minés de l’intérieur par les factions clandestines de la guérilla auxquelles appartiennent secrètement leurs membres.

Au sein du Fatah, les activistes des Brigades des martyrs d’al-Aqsa se sont scindés en deux branches, dont l’une est soupçonnée d’être à l’origine de la fusillade de laquelle Mahmoud Abbas a réchappé de justesse au lendemain de la mort d’Arafat. S’y ajoutent les Aigles du Fatah, opposés à la démilitarisation annoncée par le nouveau président, les Brigades Abou Rich, elles-mêmes divisées entre les partisans d’Abbas et ses adversaires, ainsi que les Bataillons de Saladin et les Brigades des martyrs de Jénine. Ce dernier mouvement, qui n’a rien à voir avec le célèbre camp de réfugiés et avec la lutte armée, forme plutôt un groupe mafieux, spécialisé dans les enlèvements et rackets en tout genre.

Face à ces hiérarchies et allégeances souterraines au sein de son propre camp, Mahmoud Abbas ne dispose guère que d’un outil : la puissante Sécurité préventive, créée par Mohammed Dahlan au lendemain d’Oslo. Cette formation est à présent sous les ordres de Rachid Abou Shbek mais reste sous le contrôle de Mohammed Dahlan. Comme Dahlan, ancien lanceur de pierres aux allures de crooner et aux moeurs de chef de gang, figure admirée et haïe de la politique palestinienne, les membres de la Sécurité préventive sont en majorité originaires de Gaza. Et en particulier des camps de réfugiés, ce qui les oppose presque naturellement aux Palestiniens de la diaspora, revenus après Oslo, qui dirigent les autres mouvements de sécurité sur le territoire. Parlant un hébreu appris dans les prisons israéliennes après la première Intifada de 1987, les hommes de la Sécurité préventive continuent de jouir d’importants moyens, d’une hiérarchie intacte et de bonnes relations avec les Israéliens, les Egyptiens et les Occidentaux.

Même si le Hamas est décidé à ne pas laisser la Sécurité préventive lancer une nouvelle vague d’arrestations contre ses militants comme en 1996, le service de Dahlan est un atout pour Mahmoud Abbas face aux grands féodaux qui dirigent les autres services de sécurité à Gaza, et le seul susceptible d’agir sans négociations préalables. Car la plupart des questions politiques se doublent aujourd’hui à Gaza de considérations financières. Dans un territoire où sévit un chômage endémique, des dizaines de milliers de jeunes gens, privés de la possibilité de travailler en Israël, voient dans les groupes paramilitaires leur seul moyen d’assurer leur survie et celle de leur famille.

La crise profonde de cette société sans équivalent au monde, dont la densité de population s’apparente à celle de certaines villes asiatiques, vient compliquer encore la délicate mission de la nouvelle direction palestinienne.