Ben Ami.— «Le sionisme est pluriel et démocratique»
Un entretien avec l’ancien ministre israélien des Affaires étrangères sur l’intelligentsia européenne et le mouvement national juif.
L’historien et ancien ministre israélien des Affaires étrangères Shlomo Ben Ami a participé, à la fin du mois dernier, à une discussion qui s’est tenue à la Royal Geographical Society de Londres sur le thème : «Le sionisme est-il aujourd’hui l’ennemi principal des Juifs ?», en présence d’autres intellectuels comme Avi Shlaim, Rafy Israëli et Amira Haas. Il poursuit dans Le Figaro ce débat entamé outre-Manche.
Propos recueillis par Alexis Lacroix.
Le Figaro, 14/02/2005.
LE FIGARO.— Vous avez participé récemment à un débat sur le thème : «Le sionisme est-il aujourd’hui l’ennemi principal des Juifs ?» Après cinquante mois d’intifada, Israël peut-il échapper à la «délégitimation» morale qui le frappe ?
Shlomo BEN AMI.— Je me réjouis que Mahmoud Abbas, le nouveau leader palestinien, ait rompu avec l’attitude compulsive de son prédécesseur, qui n’a jamais cessé de surfer sur la vague du martyre et de la mort. Ce courage et cette lucidité donnent toutes leurs chances à la reprise d’un processus politique entre Israël et les Palestiniens. Israël est confronté depuis quelques années à une crise morale et politique qui est circonstancielle et non pas inscrite dans son code génétique. Notre Etat traverse une phase de son histoire qui ressemble, par bien des aspects, à celle qui a touché les nations occidentales à l’âge moderne. Sa situation est dominée par le conflit de deux nationalismes concurrents. Ce conflit est soluble au travers d’un compromis reposant sur notre séparation territoriale et politique d’avec les Palestiniens. Aussi Hubert Védrine n’a-t-il pas tort de nous exhorter à la réconciliation avec les Palestiniens, en nous inspirant de l’exemple des Français et des Allemands. J’ajouterais cependant pour ma part qu’entre nous et les Palestiniens, la paix devrait d’ailleurs exiger bien moins de temps — et de sang — qu’entre ces derniers.
Un climat nouveau semble s’annoncer. Est-il dû à la détermination des Européens d’accompagner, aux côtés des Américains, la reprise du dialogue israélo-palestinien ?
Le simple fait que des élections démocratiques et transparentes aient pu se dérouler dans les Territoires palestiniens constitue à soi seul un signe extrêmement encourageant. Mais ce qui m’inquiète et m’afflige, alors même que l’Union européenne réclame de jouer un rôle politique au Proche-Orient, c’est la fascinante incompréhension dont certains secteurs de l’intelligentsia européenne continuent de faire montre à l’égard du sionisme.
Dans ces franges de l’opinion, on n’assisterait donc plus seulement, à vous entendre, à la réprobation d’Israël...
J’ai le sentiment que l’ensemble de l’aventure sioniste est en butte à une diabolisation acharnée. L’argument selon lequel, «aujourd’hui», comme le suggère le titre de nos rencontres londoniennes, le sionisme serait une menace pour les Juifs eux-mêmes est un prétexte commode pour dénier à l’Etat d’Israël sa légitimité. De nombreux secteurs de l’opinion européenne restent persuadés que la paix ne sera possible entre Israéliens et Palestiniens que dans le cadre d’un Etat unique, binational et multiconfessionnel. Et ils font valoir que la religion ne saurait fournir un fondement approprié à une existence étatique. Comme si les Etats européens n’étaient pas historiquement des républiques chrétiennes ! Comme si les Etats arabes qui entourent Israël étaient des parangons de diversité religieuse ! Je serai bien le dernier à dénoncer comme un antisémitisme caractérisé la moindre critique formulée à l’encontre de l’Etat d’Israël. Reste qu’un processus mental particulièrement pervers est à l’oeuvre. Il consiste à ériger une politique contestable en prétexte à la délégitimation d’un Etat et à la flétrissure des principes qui le fondent. La satanisation d’Israël a passé les bornes de la simple critique politique légitime pour dégénérer en atteinte du droit des Juifs à l’autodétermination.
Atteinte du droit des Juifs à l’autodétermination... Que voulez-vous dire ?
L’approche selon laquelle Israël est un Etat à l’essai, dont il est autorisé de contester la raison d’être, revient à dénier aux Juifs le droit de vivre comme membres égaux de la famille des nations. Une telle dérive n’a pas commencé avec l’intifada dite d’al-Aqsa. Dès le début des années 50, l’historien britannique Arnold Toynbee avait déjà commencé à nous comparer aux nazis. La tentative de nazifier le sionisme — qui est une manière commode de banaliser la Shoah — remonte aux premières années de l’existence d’Israël.
Selon nombre de ses défenseurs, le sionisme a échoué sur un point : assurer la sécurité des Juifs...
Ils se trompent. Historiquement, le sionisme a été une réponse à deux menaces majeures : la menace d’une destruction physique des Juifs et celle d’une dilution de leur identité culturelle et religieuse. L’Etat d’Israël vint trop tard pour empêcher l’anéantissement physique du judaïsme européen. En revanche, il a arrêté le processus de dilution identitaire entamé avec l’Emancipation. Jamais les communautés juives occidentales n’ont bénéficié d’autant de sécurité et de prospérité que depuis la création de l’Etat d’Israël. Et ceux des Juifs qui, dans les pays arabes par exemple, n’avaient aucune chance d’accéder à un niveau de vie décent, ont pu jouir en Israël d’une existence souveraine. Leur expliquer maintenant que le sionisme est une menace pour eux est une plaisanterie macabre.
Le philosophe Gershom Scholem a qualifié le sionisme de «retour utopique des Juifs à leur propre histoire». Faites-vous vôtre cette définition ?
Le sionisme n’est pas un dogme religieux car il a toujours eu la forme d’un mouvement large, pluriel et démocratique. Aujourd’hui, l’ensemble des sondages d’opinion réalisés en Israël révèle qu’une très large majorité d’Israéliens admet que la phase territoriale du sionisme est close. Bien que les Palestiniens aient rejeté l’Etat qui leur était offert par trois fois — en 1937, en 1947 et en décembre 2000 —, leur droit à l’autodétermination est tenu pour inaliénable par l’écrasante majorité de mes compatriotes. Même le premier ministre Ariel Sharon s’est adressé en ces termes aux colons : «Vous avez développé dans vos rangs un dangereux esprit messianique. Et mon expérience m’a révélé que l’épée ne peut seule apporter la solution», avant d’ajouter : «Nous ne voulons pas dominer des millions de Palestiniens». Au long de l’histoire du mouvement national juif, les «anticorps» éthiques de l’idéologie sioniste n’ont d’ailleurs jamais été pris en défaut.
Parce que Israël est une démocratie ?
Comme l’a expliqué Yitzhak Zamir, qui fut juge à la Cour suprême israélienne, Israël est la seule nation du monde dans laquelle les cours de justice civiles peuvent largement statuer sur les actions militaires. Pour preuve, l’intervention de la Cour suprême israélienne, qui a contraint le gouvernement à modifier le tracé de la barrière de sécurité en Cisjordanie. Les organisations des droits de l’homme offrent, avec les éditorialistes indépendants qui éclairent la tragédie palestinienne, des repères à une nation aspirant à concilier les exigences de la sécurité et le respect des valeurs morales. J’ai été renforcé dans ma foi dans l’idée sioniste par l’évidente défaite politique et morale du mouvement des colons, dans la bande de Gaza et au-delà.
A vous entendre, l’Europe démocratique donnerait libre cours à ses «penchants criminels». N’est-ce pas exagéré ?
En 1975, à une époque où il n’existait aucune implantation et où l’OLP n’assumait pas la solution de deux Etats, une résolution assimilant le sionisme au racisme a pu être adoptée à l’ONU sans provoquer un tremblement de terre en Europe. Trente ans seulement après l’Extermination, cette apathie européenne en disait plus long sur l’inaptitude des Européens à résoudre leur complexe juif que sur Israël. En 2002, la bataille de Jénine, avec ses 75 victimes — parmi lesquelles 23 réservistes israéliens — a été transmuée en métaphore de Stalingrad. Dans la bouche de José Saramago, elle devint même l’équivalent d’Auschwitz... Face à ce type de bacchanales sémantiques, il faudrait se demander si la propension à appliquer aux actions des Israéliens des analogies avec la Shoah n’est pas une tentative de se défaire d’un sentiment de culpabilité touchant à la «question juive».
Pouvez-vous préciser ?
L’Europe a traversé d’interminables guerres de religion, est passée par deux guerres mondiales et a perpétré un génocide majeur avant de résoudre ses antagonismes nationaux endémiques. Autant de raisons de se montrer perplexe face au doigt accusateur qu’elle pointe aujourd’hui sur nous, Israéliens, comme si elle avait tout oublié de l’amère signification des guerres nationales. Une des sources du malentendu entre l’Europe et Israël tient à leur rapport divergent à l’histoire. Nous vivons à l’heure du «post-national», et ce qui était jadis considéré comme un conflit national est interprété à la lumière de la culture des ONG et de la nouvelle religion de l’âge post-historique : celle des droits de l’homme. Les Juifs, par la faute de l’Etat d’Israël, semblent enlisés dans l’historicité alors même que l’Europe s’est joyeusement délestée de sa propre histoire et de la politique de puissance. Ce contexte inédit constitue un défi immense pour Israël et pour la légitimité du mouvement national juif. Les Juifs n’ont pas survécu aux horreurs de l’Extermination pour se retrancher derrière une muraille de convictions qu’ils opposeraient au reste du monde. Yitzhak Rabin à Oslo, puis le gouvernement que j’ai servi, lors des négociations de Camp David et de Taba, ont été animés par le souci d’imaginer une solution politique à notre conflit avec les Palestiniens. Il faut rendre l’existence nationale juive légitime aux yeux de ceux qui s’en considèrent les victimes. La légitimité qui importe vraiment pour un peuple, c’est celle que lui reconnaissent ceux qui déclarent être ses victimes.
L’historien et ancien ministre israélien des Affaires étrangères Shlomo Ben Ami a participé, à la fin du mois dernier, à une discussion qui s’est tenue à la Royal Geographical Society de Londres sur le thème : «Le sionisme est-il aujourd’hui l’ennemi principal des Juifs ?», en présence d’autres intellectuels comme Avi Shlaim, Rafy Israëli et Amira Haas. Il poursuit dans Le Figaro ce débat entamé outre-Manche.
Propos recueillis par Alexis Lacroix.
Le Figaro, 14/02/2005.
LE FIGARO.— Vous avez participé récemment à un débat sur le thème : «Le sionisme est-il aujourd’hui l’ennemi principal des Juifs ?» Après cinquante mois d’intifada, Israël peut-il échapper à la «délégitimation» morale qui le frappe ?
Shlomo BEN AMI.— Je me réjouis que Mahmoud Abbas, le nouveau leader palestinien, ait rompu avec l’attitude compulsive de son prédécesseur, qui n’a jamais cessé de surfer sur la vague du martyre et de la mort. Ce courage et cette lucidité donnent toutes leurs chances à la reprise d’un processus politique entre Israël et les Palestiniens. Israël est confronté depuis quelques années à une crise morale et politique qui est circonstancielle et non pas inscrite dans son code génétique. Notre Etat traverse une phase de son histoire qui ressemble, par bien des aspects, à celle qui a touché les nations occidentales à l’âge moderne. Sa situation est dominée par le conflit de deux nationalismes concurrents. Ce conflit est soluble au travers d’un compromis reposant sur notre séparation territoriale et politique d’avec les Palestiniens. Aussi Hubert Védrine n’a-t-il pas tort de nous exhorter à la réconciliation avec les Palestiniens, en nous inspirant de l’exemple des Français et des Allemands. J’ajouterais cependant pour ma part qu’entre nous et les Palestiniens, la paix devrait d’ailleurs exiger bien moins de temps — et de sang — qu’entre ces derniers.
Un climat nouveau semble s’annoncer. Est-il dû à la détermination des Européens d’accompagner, aux côtés des Américains, la reprise du dialogue israélo-palestinien ?
Le simple fait que des élections démocratiques et transparentes aient pu se dérouler dans les Territoires palestiniens constitue à soi seul un signe extrêmement encourageant. Mais ce qui m’inquiète et m’afflige, alors même que l’Union européenne réclame de jouer un rôle politique au Proche-Orient, c’est la fascinante incompréhension dont certains secteurs de l’intelligentsia européenne continuent de faire montre à l’égard du sionisme.
Dans ces franges de l’opinion, on n’assisterait donc plus seulement, à vous entendre, à la réprobation d’Israël...
J’ai le sentiment que l’ensemble de l’aventure sioniste est en butte à une diabolisation acharnée. L’argument selon lequel, «aujourd’hui», comme le suggère le titre de nos rencontres londoniennes, le sionisme serait une menace pour les Juifs eux-mêmes est un prétexte commode pour dénier à l’Etat d’Israël sa légitimité. De nombreux secteurs de l’opinion européenne restent persuadés que la paix ne sera possible entre Israéliens et Palestiniens que dans le cadre d’un Etat unique, binational et multiconfessionnel. Et ils font valoir que la religion ne saurait fournir un fondement approprié à une existence étatique. Comme si les Etats européens n’étaient pas historiquement des républiques chrétiennes ! Comme si les Etats arabes qui entourent Israël étaient des parangons de diversité religieuse ! Je serai bien le dernier à dénoncer comme un antisémitisme caractérisé la moindre critique formulée à l’encontre de l’Etat d’Israël. Reste qu’un processus mental particulièrement pervers est à l’oeuvre. Il consiste à ériger une politique contestable en prétexte à la délégitimation d’un Etat et à la flétrissure des principes qui le fondent. La satanisation d’Israël a passé les bornes de la simple critique politique légitime pour dégénérer en atteinte du droit des Juifs à l’autodétermination.
Atteinte du droit des Juifs à l’autodétermination... Que voulez-vous dire ?
L’approche selon laquelle Israël est un Etat à l’essai, dont il est autorisé de contester la raison d’être, revient à dénier aux Juifs le droit de vivre comme membres égaux de la famille des nations. Une telle dérive n’a pas commencé avec l’intifada dite d’al-Aqsa. Dès le début des années 50, l’historien britannique Arnold Toynbee avait déjà commencé à nous comparer aux nazis. La tentative de nazifier le sionisme — qui est une manière commode de banaliser la Shoah — remonte aux premières années de l’existence d’Israël.
Selon nombre de ses défenseurs, le sionisme a échoué sur un point : assurer la sécurité des Juifs...
Ils se trompent. Historiquement, le sionisme a été une réponse à deux menaces majeures : la menace d’une destruction physique des Juifs et celle d’une dilution de leur identité culturelle et religieuse. L’Etat d’Israël vint trop tard pour empêcher l’anéantissement physique du judaïsme européen. En revanche, il a arrêté le processus de dilution identitaire entamé avec l’Emancipation. Jamais les communautés juives occidentales n’ont bénéficié d’autant de sécurité et de prospérité que depuis la création de l’Etat d’Israël. Et ceux des Juifs qui, dans les pays arabes par exemple, n’avaient aucune chance d’accéder à un niveau de vie décent, ont pu jouir en Israël d’une existence souveraine. Leur expliquer maintenant que le sionisme est une menace pour eux est une plaisanterie macabre.
Le philosophe Gershom Scholem a qualifié le sionisme de «retour utopique des Juifs à leur propre histoire». Faites-vous vôtre cette définition ?
Le sionisme n’est pas un dogme religieux car il a toujours eu la forme d’un mouvement large, pluriel et démocratique. Aujourd’hui, l’ensemble des sondages d’opinion réalisés en Israël révèle qu’une très large majorité d’Israéliens admet que la phase territoriale du sionisme est close. Bien que les Palestiniens aient rejeté l’Etat qui leur était offert par trois fois — en 1937, en 1947 et en décembre 2000 —, leur droit à l’autodétermination est tenu pour inaliénable par l’écrasante majorité de mes compatriotes. Même le premier ministre Ariel Sharon s’est adressé en ces termes aux colons : «Vous avez développé dans vos rangs un dangereux esprit messianique. Et mon expérience m’a révélé que l’épée ne peut seule apporter la solution», avant d’ajouter : «Nous ne voulons pas dominer des millions de Palestiniens». Au long de l’histoire du mouvement national juif, les «anticorps» éthiques de l’idéologie sioniste n’ont d’ailleurs jamais été pris en défaut.
Parce que Israël est une démocratie ?
Comme l’a expliqué Yitzhak Zamir, qui fut juge à la Cour suprême israélienne, Israël est la seule nation du monde dans laquelle les cours de justice civiles peuvent largement statuer sur les actions militaires. Pour preuve, l’intervention de la Cour suprême israélienne, qui a contraint le gouvernement à modifier le tracé de la barrière de sécurité en Cisjordanie. Les organisations des droits de l’homme offrent, avec les éditorialistes indépendants qui éclairent la tragédie palestinienne, des repères à une nation aspirant à concilier les exigences de la sécurité et le respect des valeurs morales. J’ai été renforcé dans ma foi dans l’idée sioniste par l’évidente défaite politique et morale du mouvement des colons, dans la bande de Gaza et au-delà.
A vous entendre, l’Europe démocratique donnerait libre cours à ses «penchants criminels». N’est-ce pas exagéré ?
En 1975, à une époque où il n’existait aucune implantation et où l’OLP n’assumait pas la solution de deux Etats, une résolution assimilant le sionisme au racisme a pu être adoptée à l’ONU sans provoquer un tremblement de terre en Europe. Trente ans seulement après l’Extermination, cette apathie européenne en disait plus long sur l’inaptitude des Européens à résoudre leur complexe juif que sur Israël. En 2002, la bataille de Jénine, avec ses 75 victimes — parmi lesquelles 23 réservistes israéliens — a été transmuée en métaphore de Stalingrad. Dans la bouche de José Saramago, elle devint même l’équivalent d’Auschwitz... Face à ce type de bacchanales sémantiques, il faudrait se demander si la propension à appliquer aux actions des Israéliens des analogies avec la Shoah n’est pas une tentative de se défaire d’un sentiment de culpabilité touchant à la «question juive».
Pouvez-vous préciser ?
L’Europe a traversé d’interminables guerres de religion, est passée par deux guerres mondiales et a perpétré un génocide majeur avant de résoudre ses antagonismes nationaux endémiques. Autant de raisons de se montrer perplexe face au doigt accusateur qu’elle pointe aujourd’hui sur nous, Israéliens, comme si elle avait tout oublié de l’amère signification des guerres nationales. Une des sources du malentendu entre l’Europe et Israël tient à leur rapport divergent à l’histoire. Nous vivons à l’heure du «post-national», et ce qui était jadis considéré comme un conflit national est interprété à la lumière de la culture des ONG et de la nouvelle religion de l’âge post-historique : celle des droits de l’homme. Les Juifs, par la faute de l’Etat d’Israël, semblent enlisés dans l’historicité alors même que l’Europe s’est joyeusement délestée de sa propre histoire et de la politique de puissance. Ce contexte inédit constitue un défi immense pour Israël et pour la légitimité du mouvement national juif. Les Juifs n’ont pas survécu aux horreurs de l’Extermination pour se retrancher derrière une muraille de convictions qu’ils opposeraient au reste du monde. Yitzhak Rabin à Oslo, puis le gouvernement que j’ai servi, lors des négociations de Camp David et de Taba, ont été animés par le souci d’imaginer une solution politique à notre conflit avec les Palestiniens. Il faut rendre l’existence nationale juive légitime aux yeux de ceux qui s’en considèrent les victimes. La légitimité qui importe vraiment pour un peuple, c’est celle que lui reconnaissent ceux qui déclarent être ses victimes.
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