Huntington: le choc du multiculturalisme
Auteur du Choc des civilisations, Samuel Huntington persiste et signe dans sa critique de l’optimisme «multiculturaliste», avec un essai brillant et controversé sur l’identité américaine, Qui sommes-nous?, qui vient de paraître en traduction française aux éditions Odile Jacob (1). Explications.
Le Figaro, 19/01/2005.
Propos recueillis par Alexis Lacroix
LE FIGARO.— A la lumière de votre dernier livre, l’identité américaine apparaît presque menacée d’implosion. N’est-ce pas trop alarmiste ?
Samuel P. HUNTINGTON.— Je voudrais dire d’abord que l’Amérique est confrontée à des défis singuliers pour l’avenir de son identité. Mais l’Amérique n’est pas le seul pays dans ce cas. De nombreux pays sont confrontés à des défis qui, pour n’être pas identiques à ceux qui frappent les Etats-Unis, s’en rapprochent. La mondialisation bouleverse beaucoup de choses et intensifie les processus d’interaction entre les différentes sociétés. Elle crée donc des situations parallèles dans les différents pays occidentaux qui traversent des crises de leurs identités nationales.
— Un éditorialiste du Washington Post, Tamar Jacoby, vous reproche de vous livrer à une «évaluation paranoïaque de la menace» en évoquant «une reconquista démographique de territoires que les Américains avaient enlevés au Mexique». Que répondez-vous ?
— C’est justement la raison pour laquelle je tiens à souligner que Who are we ? n’est pas un livre sur les Hispaniques et les hispanophones en général. C’est un livre sur cette identité américaine que l’immigration n’a jamais cessé de façonner. Actuellement, aux Etats-Unis, plus de la moitié des immigrants viennent de pays hispanophones. Or c’est la première fois dans l’histoire de notre pays que la moitié des nouveaux arrivants sont les locuteurs d’une seule langue qui n’est pas l’anglais. L’autre singularité de l’immigration hispanique, outre son ampleur, c’est qu’elle est en provenance de pays proches des Etats-Unis — le Mexique et les autres pays de l’Amérique centrale.
— Les Hispano-Américains ont un taux très élevé d’exogamie et, dans la mobilisation antiterroriste depuis 2001, leur patriotisme américain a rarement été pris en défaut...
— Reste que, pris dans sa globalité, ce phénomène d’immigration constitue un changement immense par rapport à l’époque pas si lointaine où une large majorité des immigrants se livrait à une traversée hasardeuse de l’océan Atlantique. Les Etats-Unis connaissent enfin une immigration clandestine toujours aussi massive, de part et d’autre du Rio Grande.
— N’est-ce pas un combat d’arrière-garde ?
— Pas du tout ! Je ne mène en aucun cas un combat d’arrière-garde ! La question qu’il faut se poser face à l’ensemble des phénomènes inédits que constitue l’afflux de ces populations est celle de l’aptitude de cette vague d’immigration à s’assimiler aussi facilement que les précédentes aux valeurs de la société américaine.
— Mais si les Etats-Unis traversent une crise d’identité, ce n’est pas seulement en raison des personnes accueillies, mais aussi des «accueillants»...
— L’immigration est l’un des aspects de mon livre. Un autre aspect est le fossé grandissant entre, d’un côté, le nationalisme et le patriotisme répandus dans l’opinion américaine et, de l’autre, ce que j’appelle la dénationalisation des élites.
— Les Américains, dans leur grande majorité, condamnent-ils le cosmopolitisme de leurs élites ?
— Le degré d’identification des Américains avec leur pays semble avoir connu une nette augmentation à la fin du XX siècle. Interrogés sur l’entité territoriale à laquelle ils estimaient appartenir «avant tout» — ville, région, pays dans son ensemble, continent ou monde —, 16,4% d’Américains en 1981-1982, 29,6% en 1990-1991 et 39,3% en 2002 ont choisi les Etats-unis dans leur ensemble. Le nombre d’Américains accordant la première place à leur nation a donc augmenté de 22,9%, pourcentage qui dépasse largement l’augmentation du sentiment d’identification nationale enregistrée dans les pays développés. Paradoxe : alors même que l’engagement national du grand public américain se renforçait, certains éléments des élites économiques et universitaires américaines s’identifiaient de plus en plus au monde dans son ensemble et se définissaient comme «citoyens globaux». En 1927, un intellectuel français (2) avait pu accuser ses pairs de succomber aux passions partisanes du nationalisme. Aujourd’hui, l’attitude des intellectuels consiste à défendre la supériorité d’une identification avec l’ensemble de l’humanité.
— Le traumatisme causé par le 11 Septembre n’y a-t-il pas mis un coup d’arrêt ?
— Sur le moment, la catastrophe qui a frappé Manhattan a eu un impact certain. Mais l’intégration des élites financières et médiatiques américaines aux catégories de la mondialisation ne semble pas avoir été bouleversée de fond en comble. Il demeure difficile de prévoir ce que seront les effets à très long terme du 11 Septembre sur la conscience patriotique américaine.
— Le néoconservatisme est un patriotisme...
— Les néoconservateurs constituent une élite certes opposée à la tendance lourde de la dénationalisation — mais c’est un très petit groupe d’hommes, qui essuient de très nombreuses critiques de la part aussi bien des milieux académiques, que des milieux d’affaires et des médias ! De ce point de vue, les néoconservateurs ne sont pas du tout représentatifs des élites américaines. Et ils ne sont pas davantage au diapason des opinions du public américain.
— Pourquoi ?
— Tous les sondages effectués depuis plusieurs années auprès des Américains le révèlent : dans son immense majorité, la promotion de la démocratie ne représente pas du tout une priorité pour notre peuple ; elle arrive même en avant-dernière position. Ce qui arrive en revanche toujours en tête, c’est l’importance d’une politique d’emploi, d’immigration et de sécurité nationale.
— Un essayiste a défini le credo américain comme l’adhésion à un système politique fondé sur la «dignité essentielle de l’individu, l’égalité fondamentale de tous les hommes et des droits inaliénables» comme le droit à la liberté et à la justice. Cette «religion civile» garantit-elle la cohésion de la société américaine ?
— Je suis fondamentalement en accord avec la définition donnée par Gunnar Myrdal, en 1944, du credo américain. Mais toute la question est de savoir si la nouvelle vague d’immigration est prête à accepter les principes de base énumérés par Gunnar Myrdal. C’est un vrai privilège de s’intégrer aux valeurs américaines. D’embrasser la culture américaine. Des éléments semblent suggérer qu’il n’est pas sûr que les immigrants récents soient tous encouragés à adopter l’échelle de valeurs et la culture américaines.
— La faute aux intellectuels, que vous appelez «cosmocrates», et à leur «déconstruction» de l’identité américaine ?
— Dans les années 60, les Etats-Unis ont abandonné la référence à la race et à l’ethnie comme critère de définition de l’identité nationale. Mais paradoxalement, ils ont été accusés de sous-estimer le rôle de la race et de l’appartenance ethnique pour certains groupes. Une fois la race et l’appartenance ethnique formellement exorcisées, les minorités ont pu commencer à affirmer leurs identités au sein d’une société désormais essentiellement définie par son credo. Ne servant plus aux Américains à se différencier d’autres peuples, la race, l’appartenance et même, dans une certaine mesure, la culture, sont devenues les critères par lesquels les Américains se différenciaient les uns des autres. Sont nées les politiques dites d’affirmative action. Elles ont eu pour effet, avec d’autres politiques, d’élever les valeurs «subnationales» au-dessus des valeurs d’identité nationale. Pour les Américains, le credo de la «religion civile» a longtemps signifié que les individus devaient être jugés en fonction de leurs qualités propres, indépendamment de leur appartenance religieuse ou de leur origine ethnique. Avec l’avènement du multiculturalisme, c’en a été fini du primat des droits individuels.
— Vous citez le sociologue Daniel Bell : «Ce qui est extraordinaire dans ce changement, c’est qu’une conception des droits totalement nouvelle a été introduite dans la vie publique, sans qu’aucun débat n’ait lieu.»
— Les droits des groupes et l’égalité des conditions ont acquis dans la sphère publique le statut d’une nouvelle philosophie qui, en établissant des distinctions entre les individus selon leur appartenance, en vient à relativiser dangereusement l’importance d’un bien commun. Par exemple, les Noirs ont pu commencer à bénéficier d’avantages du simple fait qu’ils étaient noirs. Ces politiques de rattrapage, qui partaient des meilleures intentions, ont abouti à remettre en question la façon dont les Américains concevaient leur identité nationale. Elles ont participé au mouvement de sa déconstruction. La question demeure de savoir si les Etats-Unis doivent être une nation constituée d’individus dotés de droits et d’une culture communs ou un conglomérat de groupes raciaux et culturels défendant leurs intérêts propres.
— Pourquoi le multiculturalisme tente-t-il les Français, notamment les champions de la discrimination positive ?
— Je ne sais pas pour quelles raisons précises la tendance au multiculturalisme s’est développée en France. Une chose est sûre : la consécration du multiculturalisme pourrait avoir, chez vous aussi, des effets malheureux. Aux Etats-Unis, ces politiques ont eu pour effet de diviser la société américaine et, en ce qui concerne notamment le volet des mesures d’affirmative action, n’ont pas du tout obtenu les bienfaits escomptés — le «rattrapage» social des populations défavorisées. En fait, les politiques d’affirmative action n’ont pas bénéficié, par exemple, aux plus pauvres des Noirs américains, mais à la bourgeoisie noire américaine.
(1) Qui sommes-nous? (Who are We? The Challenges to America’s National Identity), 25 €, 400 p.
(2) La Trahison des clercs de Julien Benda (Grasset).
Le Figaro, 19/01/2005.
Propos recueillis par Alexis Lacroix
LE FIGARO.— A la lumière de votre dernier livre, l’identité américaine apparaît presque menacée d’implosion. N’est-ce pas trop alarmiste ?
Samuel P. HUNTINGTON.— Je voudrais dire d’abord que l’Amérique est confrontée à des défis singuliers pour l’avenir de son identité. Mais l’Amérique n’est pas le seul pays dans ce cas. De nombreux pays sont confrontés à des défis qui, pour n’être pas identiques à ceux qui frappent les Etats-Unis, s’en rapprochent. La mondialisation bouleverse beaucoup de choses et intensifie les processus d’interaction entre les différentes sociétés. Elle crée donc des situations parallèles dans les différents pays occidentaux qui traversent des crises de leurs identités nationales.
— Un éditorialiste du Washington Post, Tamar Jacoby, vous reproche de vous livrer à une «évaluation paranoïaque de la menace» en évoquant «une reconquista démographique de territoires que les Américains avaient enlevés au Mexique». Que répondez-vous ?
— C’est justement la raison pour laquelle je tiens à souligner que Who are we ? n’est pas un livre sur les Hispaniques et les hispanophones en général. C’est un livre sur cette identité américaine que l’immigration n’a jamais cessé de façonner. Actuellement, aux Etats-Unis, plus de la moitié des immigrants viennent de pays hispanophones. Or c’est la première fois dans l’histoire de notre pays que la moitié des nouveaux arrivants sont les locuteurs d’une seule langue qui n’est pas l’anglais. L’autre singularité de l’immigration hispanique, outre son ampleur, c’est qu’elle est en provenance de pays proches des Etats-Unis — le Mexique et les autres pays de l’Amérique centrale.
— Les Hispano-Américains ont un taux très élevé d’exogamie et, dans la mobilisation antiterroriste depuis 2001, leur patriotisme américain a rarement été pris en défaut...
— Reste que, pris dans sa globalité, ce phénomène d’immigration constitue un changement immense par rapport à l’époque pas si lointaine où une large majorité des immigrants se livrait à une traversée hasardeuse de l’océan Atlantique. Les Etats-Unis connaissent enfin une immigration clandestine toujours aussi massive, de part et d’autre du Rio Grande.
— N’est-ce pas un combat d’arrière-garde ?
— Pas du tout ! Je ne mène en aucun cas un combat d’arrière-garde ! La question qu’il faut se poser face à l’ensemble des phénomènes inédits que constitue l’afflux de ces populations est celle de l’aptitude de cette vague d’immigration à s’assimiler aussi facilement que les précédentes aux valeurs de la société américaine.
— Mais si les Etats-Unis traversent une crise d’identité, ce n’est pas seulement en raison des personnes accueillies, mais aussi des «accueillants»...
— L’immigration est l’un des aspects de mon livre. Un autre aspect est le fossé grandissant entre, d’un côté, le nationalisme et le patriotisme répandus dans l’opinion américaine et, de l’autre, ce que j’appelle la dénationalisation des élites.
— Les Américains, dans leur grande majorité, condamnent-ils le cosmopolitisme de leurs élites ?
— Le degré d’identification des Américains avec leur pays semble avoir connu une nette augmentation à la fin du XX siècle. Interrogés sur l’entité territoriale à laquelle ils estimaient appartenir «avant tout» — ville, région, pays dans son ensemble, continent ou monde —, 16,4% d’Américains en 1981-1982, 29,6% en 1990-1991 et 39,3% en 2002 ont choisi les Etats-unis dans leur ensemble. Le nombre d’Américains accordant la première place à leur nation a donc augmenté de 22,9%, pourcentage qui dépasse largement l’augmentation du sentiment d’identification nationale enregistrée dans les pays développés. Paradoxe : alors même que l’engagement national du grand public américain se renforçait, certains éléments des élites économiques et universitaires américaines s’identifiaient de plus en plus au monde dans son ensemble et se définissaient comme «citoyens globaux». En 1927, un intellectuel français (2) avait pu accuser ses pairs de succomber aux passions partisanes du nationalisme. Aujourd’hui, l’attitude des intellectuels consiste à défendre la supériorité d’une identification avec l’ensemble de l’humanité.
— Le traumatisme causé par le 11 Septembre n’y a-t-il pas mis un coup d’arrêt ?
— Sur le moment, la catastrophe qui a frappé Manhattan a eu un impact certain. Mais l’intégration des élites financières et médiatiques américaines aux catégories de la mondialisation ne semble pas avoir été bouleversée de fond en comble. Il demeure difficile de prévoir ce que seront les effets à très long terme du 11 Septembre sur la conscience patriotique américaine.
— Le néoconservatisme est un patriotisme...
— Les néoconservateurs constituent une élite certes opposée à la tendance lourde de la dénationalisation — mais c’est un très petit groupe d’hommes, qui essuient de très nombreuses critiques de la part aussi bien des milieux académiques, que des milieux d’affaires et des médias ! De ce point de vue, les néoconservateurs ne sont pas du tout représentatifs des élites américaines. Et ils ne sont pas davantage au diapason des opinions du public américain.
— Pourquoi ?
— Tous les sondages effectués depuis plusieurs années auprès des Américains le révèlent : dans son immense majorité, la promotion de la démocratie ne représente pas du tout une priorité pour notre peuple ; elle arrive même en avant-dernière position. Ce qui arrive en revanche toujours en tête, c’est l’importance d’une politique d’emploi, d’immigration et de sécurité nationale.
— Un essayiste a défini le credo américain comme l’adhésion à un système politique fondé sur la «dignité essentielle de l’individu, l’égalité fondamentale de tous les hommes et des droits inaliénables» comme le droit à la liberté et à la justice. Cette «religion civile» garantit-elle la cohésion de la société américaine ?
— Je suis fondamentalement en accord avec la définition donnée par Gunnar Myrdal, en 1944, du credo américain. Mais toute la question est de savoir si la nouvelle vague d’immigration est prête à accepter les principes de base énumérés par Gunnar Myrdal. C’est un vrai privilège de s’intégrer aux valeurs américaines. D’embrasser la culture américaine. Des éléments semblent suggérer qu’il n’est pas sûr que les immigrants récents soient tous encouragés à adopter l’échelle de valeurs et la culture américaines.
— La faute aux intellectuels, que vous appelez «cosmocrates», et à leur «déconstruction» de l’identité américaine ?
— Dans les années 60, les Etats-Unis ont abandonné la référence à la race et à l’ethnie comme critère de définition de l’identité nationale. Mais paradoxalement, ils ont été accusés de sous-estimer le rôle de la race et de l’appartenance ethnique pour certains groupes. Une fois la race et l’appartenance ethnique formellement exorcisées, les minorités ont pu commencer à affirmer leurs identités au sein d’une société désormais essentiellement définie par son credo. Ne servant plus aux Américains à se différencier d’autres peuples, la race, l’appartenance et même, dans une certaine mesure, la culture, sont devenues les critères par lesquels les Américains se différenciaient les uns des autres. Sont nées les politiques dites d’affirmative action. Elles ont eu pour effet, avec d’autres politiques, d’élever les valeurs «subnationales» au-dessus des valeurs d’identité nationale. Pour les Américains, le credo de la «religion civile» a longtemps signifié que les individus devaient être jugés en fonction de leurs qualités propres, indépendamment de leur appartenance religieuse ou de leur origine ethnique. Avec l’avènement du multiculturalisme, c’en a été fini du primat des droits individuels.
— Vous citez le sociologue Daniel Bell : «Ce qui est extraordinaire dans ce changement, c’est qu’une conception des droits totalement nouvelle a été introduite dans la vie publique, sans qu’aucun débat n’ait lieu.»
— Les droits des groupes et l’égalité des conditions ont acquis dans la sphère publique le statut d’une nouvelle philosophie qui, en établissant des distinctions entre les individus selon leur appartenance, en vient à relativiser dangereusement l’importance d’un bien commun. Par exemple, les Noirs ont pu commencer à bénéficier d’avantages du simple fait qu’ils étaient noirs. Ces politiques de rattrapage, qui partaient des meilleures intentions, ont abouti à remettre en question la façon dont les Américains concevaient leur identité nationale. Elles ont participé au mouvement de sa déconstruction. La question demeure de savoir si les Etats-Unis doivent être une nation constituée d’individus dotés de droits et d’une culture communs ou un conglomérat de groupes raciaux et culturels défendant leurs intérêts propres.
— Pourquoi le multiculturalisme tente-t-il les Français, notamment les champions de la discrimination positive ?
— Je ne sais pas pour quelles raisons précises la tendance au multiculturalisme s’est développée en France. Une chose est sûre : la consécration du multiculturalisme pourrait avoir, chez vous aussi, des effets malheureux. Aux Etats-Unis, ces politiques ont eu pour effet de diviser la société américaine et, en ce qui concerne notamment le volet des mesures d’affirmative action, n’ont pas du tout obtenu les bienfaits escomptés — le «rattrapage» social des populations défavorisées. En fait, les politiques d’affirmative action n’ont pas bénéficié, par exemple, aux plus pauvres des Noirs américains, mais à la bourgeoisie noire américaine.
(1) Qui sommes-nous? (Who are We? The Challenges to America’s National Identity), 25 €, 400 p.
(2) La Trahison des clercs de Julien Benda (Grasset).
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