Friday, November 04, 2005

Cités : les non-dits d’une rébellion

Ivan Rioufol, Le Figaro, 04/11/2005.


Cela ne vous rappelle rien ? Oui, les émeutes en région parisienne ont des airs de guérillas palestiniennes. A Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), d’où est partie la rébellion jeudi dernier, un camion de CRS a été visé par balles. A La Courneuve, des policiers ont essuyé des tirs. Nombre d’entre eux ont été blessés par des jets de marteaux et de cocktails Molotov. Des postes de police, des écoles, des commerces ont été pris d’assaut. Des voitures ont été incendiées. Pourquoi feindre d’ignorer ces débuts d’intifada ? Quand le ministre de la Promotion de l’égalité, Azouz Begag, déplore «des discriminations dont sont victimes les jeunes de banlieues», il évoque une réalité partielle. Certes, ces insurrections révèlent des frustrations, que trente ans de subventions publiques n’ont su tempérer. Mais les manifestations dévoilent aussi, plus gravement, le refus de certains de s’intégrer. Or, la «non-stigmatisation des quartiers» rend le sujet inabordable.

Cette violence n’est pas uniquement le produit de la société, comme le récite la pensée automatique. Les immigrations asiatique, mais aussi européenne ou «pied-noir» naguère, ont également rencontré pauvreté et marginalisation, sans poser ces problèmes. Aujourd’hui, des territoires perdus de la République dessinent leurs contours, sous les encouragements des Amis du Désastre. Ils qualifient d’«incendiaire» le ministre de l’Intérieur parce qu’il veut ramener l’ordre républicain.

Qu’a-t-on vu, ces jours-ci ? Une police obligée de se défendre d’avoir voulu pourchasser deux «jeunes» qui, fuyant un contrôle d’identité, se sont tués en pénétrant dans un transformateur EDF ; Nicolas Sarkozy mis en cause pour avoir dénoncé les «voyous» et la «racaille» ; une République accusée d’avoir profané une mosquée parce qu’un jet de gaz lacrymogène est tombé, dimanche, près d’un lieu de culte. La dialectique victimaire est à l’oeuvre.

Le gouvernement est devenu l’oppresseur. On le devine, à le voir isoler Sarkozy dans son rôle répressif, prêt à s’amender. Cette repentance serait louable si elle pouvait inciter les rebelles à rejoindre la communauté nationale. Mais c’est un État soumis qui risque d’apparaître aux yeux de ceux pour qui l’islam conquérant est devenu la référence. Lundi soir, ce sont des «frères» qui ont contribué au maintien de l’ordre à Clichy en criant «Allah Akbar !». Depuis, ils ont demandé, et obtenu, le retrait de la police.

Silence autour d’une barbarie

Mardi, les parents de Zyed et Bouna, les deux adolescents électrocutés, ont été reçus à leur demande par Dominique de Villepin. Mais qui s’est ému de la barbarie d’Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) ? Les belles âmes, scandalisées par «la bavure d’une gravité extrême» (Mrap) constituée par le tir d’une grenade lacrymogène à proximité de la mosquée Bilal, n’ont pas eu un mot pour dénoncer le lynchage d’un père de famille dans une cité.

Les faits : Jean-Claude Irvoas, 56 ans, employé dans une société de mobilier urbain, circule jeudi dernier dans un «quartier sensible» d’Epinay, en compagnie de sa femme et de sa fille. Voulant photographier un réverbère, il sort de son véhicule. Pris à partie par des voyous qui veulent lui voler son appareil, il est roué de coups durant 90 secondes (Le Figaro de mardi), sous les yeux de sa famille. Il meurt sans reprendre connaissance.

Plutôt que de faire la morale à son collègue Nicolas Sarkozy en lui rappelant la «susceptibilité» des «quartiers où l’on souffre», le sociologue Azouz Begag aurait pu commenter ce drame. Mais ni lui ni la gauche donneuse de leçons ne sont venus dénoncer ces comportements primitifs et racistes, qui s’en prennent à «l’étranger» de passage. L’indifférence des droits-de-l’hommistes devant cette régression confirme le parti pris de leurs indignations. Elles en deviennent méprisables.

(...) En région parisienne, c’est l’idéologie islamiste qui cherche à tirer profit du chômage des cités et de leur bouillonnement. Un bras de fer est engagé avec l’État, alors même que les politiques et les médias se refusent à faire un lien entre ces tensions raciales et territoriales — qu’ils ne veulent voir qu’aux États-Unis — et une immigration massive et non désirée. Urgent d’ouvrir les yeux.

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