Quines són les fronteres europees ?
Alain Laquièze (*): Quelles sont les frontières européennes ?
Le Figaro, 02/03/2005.
«La seule frontière que trace l’Union européenne est celle de la démocratie et des droits de l’homme.» Ainsi s’exprimait le Conseil européen en 2001, dans la déclaration de Laeken sur l’avenir de l’Union, rappelant son attachement aux valeurs fondamentales de la démocratie libérale, énoncées déjà au sommet de Copenhague en 1978, et constamment reprises depuis lors, aussi bien dans le traité de Maastricht, dans le traité d’Amsterdam que dans le traité établissant une Constitution pour l’Europe, signé à Rome, le 29 octobre 2004. L’article 1-58 du traité «constitutionnel» prévoit en effet que l’Union est ouverte à tous les Etats européens qui respectent ces valeurs.
Aucun document officiel issu des institutions communautaires ne s’est d’ailleurs hasardé à esquisser une définition géographique de l’Europe, et en particulier à aborder la délicate question de ses frontières à l’Est. Il n’a jamais été question d’adopter une définition culturelle de l’Union, telle que nous l’enseigne l’histoire. Sur le continent, il existe pourtant une ligne de partage entre les peuples chrétiens d’Occident et les peuples orthodoxes et musulmans que l’on peut dater de la division de l’Empire romain au IVe siècle et de la création du Saint Empire romain au Xe siècle.
Cette frontière culturelle, du nord au sud, sépare la Finlande et les Etats baltes de la Russie, coupe en deux la Biélorussie, l’Ukraine et la Roumanie, et descend jusque dans les Balkans où elle coïncide avec la division historique entre les empires austro-hongrois et ottoman (la carte reproduite par Samuel P. Huntington, Le Choc des civilisations, O. Jacob, 1997, p. 174).
En choisissant de se définir par des valeurs, dont la portée est universelle, l’Union européenne reconnaît que ses frontières sont ouvertes et que tout Etat qui les adopterait et s’engagerait à les promouvoir pourrait, s’il le souhaitait, la rejoindre. L’ancien président de la Commission, Romano Prodi, ne déclarait-il pas, lors de la séance inaugurale de la Convention sur l’avenir de l’Europe, le 28 février 2002, que l’Union «est l’unique tentative concrète de réaliser une mondialisation démocratique» ? Dans ces conditions, il n’est pas exclu que l’Union des Vingt-Cinq s’élargisse à bien d’autres pays, notamment ceux qui sont membres du Conseil de l’Europe, parmi lesquels figurent l’Azerbaïdjan, la Fédération de Russie, la Turquie et l’Ukraine, mais peut-être aussi, à plus long terme, à d’autres Etats tels qu’Israël, les pays du Maghreb, voire même l’Irak, enfin pacifié et démocratique.
L’absence d’un territoire déterminé laisse mal augurer d’une qualification étatique de l’Union européenne. Classiquement, un Etat moderne s’emploie à fixer les bornes spatiales de sa souveraineté et à faire dresser une cartographie précise de ses frontières. En France, il faut attendre le règne de Louis XIV pour que des cartes détaillées du royaume soient publiées. Rien de tout cela pour l’Europe contemporaine.
(*) Professeur de droit public à l’université d’Angers, coauteur avec Anne Paynot de la note «L’Union européenne tend-elle à devenir un Etat ?», Fondation pour l’innovation politique, novembre 2004.
Le Figaro, 02/03/2005.
«La seule frontière que trace l’Union européenne est celle de la démocratie et des droits de l’homme.» Ainsi s’exprimait le Conseil européen en 2001, dans la déclaration de Laeken sur l’avenir de l’Union, rappelant son attachement aux valeurs fondamentales de la démocratie libérale, énoncées déjà au sommet de Copenhague en 1978, et constamment reprises depuis lors, aussi bien dans le traité de Maastricht, dans le traité d’Amsterdam que dans le traité établissant une Constitution pour l’Europe, signé à Rome, le 29 octobre 2004. L’article 1-58 du traité «constitutionnel» prévoit en effet que l’Union est ouverte à tous les Etats européens qui respectent ces valeurs.
Aucun document officiel issu des institutions communautaires ne s’est d’ailleurs hasardé à esquisser une définition géographique de l’Europe, et en particulier à aborder la délicate question de ses frontières à l’Est. Il n’a jamais été question d’adopter une définition culturelle de l’Union, telle que nous l’enseigne l’histoire. Sur le continent, il existe pourtant une ligne de partage entre les peuples chrétiens d’Occident et les peuples orthodoxes et musulmans que l’on peut dater de la division de l’Empire romain au IVe siècle et de la création du Saint Empire romain au Xe siècle.
Cette frontière culturelle, du nord au sud, sépare la Finlande et les Etats baltes de la Russie, coupe en deux la Biélorussie, l’Ukraine et la Roumanie, et descend jusque dans les Balkans où elle coïncide avec la division historique entre les empires austro-hongrois et ottoman (la carte reproduite par Samuel P. Huntington, Le Choc des civilisations, O. Jacob, 1997, p. 174).
En choisissant de se définir par des valeurs, dont la portée est universelle, l’Union européenne reconnaît que ses frontières sont ouvertes et que tout Etat qui les adopterait et s’engagerait à les promouvoir pourrait, s’il le souhaitait, la rejoindre. L’ancien président de la Commission, Romano Prodi, ne déclarait-il pas, lors de la séance inaugurale de la Convention sur l’avenir de l’Europe, le 28 février 2002, que l’Union «est l’unique tentative concrète de réaliser une mondialisation démocratique» ? Dans ces conditions, il n’est pas exclu que l’Union des Vingt-Cinq s’élargisse à bien d’autres pays, notamment ceux qui sont membres du Conseil de l’Europe, parmi lesquels figurent l’Azerbaïdjan, la Fédération de Russie, la Turquie et l’Ukraine, mais peut-être aussi, à plus long terme, à d’autres Etats tels qu’Israël, les pays du Maghreb, voire même l’Irak, enfin pacifié et démocratique.
L’absence d’un territoire déterminé laisse mal augurer d’une qualification étatique de l’Union européenne. Classiquement, un Etat moderne s’emploie à fixer les bornes spatiales de sa souveraineté et à faire dresser une cartographie précise de ses frontières. En France, il faut attendre le règne de Louis XIV pour que des cartes détaillées du royaume soient publiées. Rien de tout cela pour l’Europe contemporaine.
(*) Professeur de droit public à l’université d’Angers, coauteur avec Anne Paynot de la note «L’Union européenne tend-elle à devenir un Etat ?», Fondation pour l’innovation politique, novembre 2004.
0 Comments:
Post a Comment
<< Home